PRINCIPE DE PROPORTIONNALITE (ARTICLE 1221 DU CODE CIVIL)
Alors que le principe de réparation intégrale du préjudice a toujours impliqué, pour la Cour de cassation, la nécessité de replacer la victime dans la situation qui aurait été la sienne si le dommage ne s’était pas réalisé, la jurisprudence a depuis quelques années introduit une notion de proportionnalité entre la réparation et le préjudice subi. Cette tendance a pris davantage de relief depuis un an, s’inscrivant dans l’esprit du nouvel article 1221 du Code civil qui, issu de la Loi n°2018-287 du 20 avril 2018, dispose que « le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier ». Ce principe a rarement été appliqué à ce stade dans le domaine de la construction, même s’il a surgi dans le cadre du contentieux de l’empiètement illicite (Cass 3ème civ, 10 novembre 2016, n° 15-25113) et s’est introduit dans le contentieux de la non-conformité constructive (Cass, 3ème civ, 21 juin 2018, n° 17-15897 ; Cass, 3ème civ, 8 novembre 2018, n° 17-23137), en particulier dans le domaine de la construction de maison individuelle (Cass, 3ème civ, 3 mai 2018, n° 17-15067; Cass, 3ème civ, 22 novembre 2018, n° 17-12537) et en matière de non-conformité parasismique (Cass, 3ème civ, 14 février 2019, n° 17-28768). Avec cette référence à la proportionnalité, qui traduit un certain souci d’équité, le Juge s’arroge une plus grande liberté quant à l’appréciation de la nature des travaux réparatoires. Si l’arrêt plus récemment rendu le 13 juin 2019 par la Chambre commerciale (Cass, Com, 13 juin 2019, n° 18-10688) n’intéresse pas le droit de la construction, et a été rendu sur le fondement de la responsabilité délictuelle, sa rédaction lui confère manifestement une portée et une dimension générale : « … Mais attendu, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 1382, devenu 1240, du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que cette réparation, devant être à la mesure du préjudice subi, ne peut être disproportionnée ». Il y a là en tous cas une piste à exploiter pour les débiteurs de bonne foi, au moins dans le cadre du champ contractuel, lorsque se présente une disproportion criante entre la sanction du manquement du constructeur à ses obligations et le préjudice qui en découle pour le maître d’ouvrage.
François PALES
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